Paul-Henri de Quatrebarbes vient d’être choisi pour la présidence du Club des gentlemen-riders et des cavalières, à la suite de Gérard de Chevigny, qui demeure président d’honneur.
Par Adeline Gombaud
Jour de Galop. - Comment vous êtes-vous retrouvé président du Club des gentlemen-riders et des cavalières ?
Paul-Henri de Quatrebarbes. - Tout s’est un peu précipité ces dernières semaines. Gérard de Chevigny avait exprimé son souhait de céder sa place de président, qu’il occupait déjà depuis plusieurs années. Il m’a poussé à m’engager. J’ai mis un peu de temps à me décider et, en même temps, il a fait résonner en moi cette idée de devoir de reconnaissance. Je dois au club des souvenirs exceptionnels autant à cheval qu’à pied depuis vingt ans que j’en fais partie. Je me suis aussi dit qu’il n’y avait pas nécessairement besoin d’être à la retraite pour s’engager dans les passions qui nous animent et que peut-être c’était aussi le moment de mettre à la disposition du club une certaine énergie. Assez vite, nous avons identifié une équipe disponible, avec Patrice Détré, Jean-Philippe Boisgontier, Yannick Mergirie… Je pense qu’à plusieurs nous allons être capables d’assumer cette responsabilité.
Quels vont être vos dossiers prioritaires ?
Il y a beaucoup de missions qui nous attendent et la tâche est assez dense. Nous souhaitons entreprendre une mise à plat de la structure du club et de sa stratégie et nous nous donnons deux ou trois mois pour engager cette réflexion. Nous avons un club qui va avoir 100 ans l’année prochaine. Il a besoin d’évoluer. Nous réfléchissons sur l’identité, les valeurs et la raison d’être du club. Il faut par exemple pouvoir se comparer avec d’autres clubs, comme ceux de business ou d’autres milieux sportifs, pour comprendre leurs offres et leurs contenus, pour voir ce que nous pouvons adapter à l’univers des courses. Ces étapes-là vont être essentielles avant que nous puissions aller chercher de nouveaux membres et nous adresser à de potentiels nouveaux partenaires qui, eux aussi, ont pu délaisser le club. Pour cela, nous allons nous faire accompagner par un consultant externe. Il va nous aider à faire la synthèse de cette réflexion.
Que souhaitez-vous changer dans le club ?
C’est assez complexe. La mission prioritaire de notre club est d’organiser et d’encadrer toutes les courses d’amateurs en France. Mais nous ne pouvons pas nous adresser aux seuls cavaliers qui montent en course et il est important de faire vivre ce club au-delà de l’expérience courses ! Je pense que nous avons un vrai potentiel, à l’avenir, pour développer ce côté réseau et networking car notre club est un vrai vivier de vocations et de nouveaux acteurs pour le monde des courses. En recréant cette offre, nous serons capables de proposer une nouvelle formule.
Nous pourrons alors nous adresser aux instances directionnelles des courses et aller parler directement à France Galop pour partager notre projet et notre mode de fonctionnement.
L’amateurisme a beaucoup souffert de la crise sanitaire…
Nous avons en effet beaucoup souffert de cette crise sanitaire. Nous avons perdu 80 courses l’année dernière et cela a un impact direct sur les finances de notre club. Mais cela nous a permis de voir les choses un peu différemment. Nous avons appris à travailler de manière un peu dématérialisée. Nous avons réorganisé nos stages d’examen des licences, qui étaient très centralisés autour de Paris. En région, cela a créé un certain nombre d’initiatives, qui peuvent faire sens dans nos projets de demain.
Avez-vous eu l’impression d’être mis de côté par les instances dirigeantes ?
Nous nous sommes soumis aux restrictions que France Galop se devait d’imposer mais aujourd’hui nous ne nous sentons pas mis à l’écart. Au contraire. Je crois que la première personne qui m’a fait signe quand j’ai annoncé ma candidature, c’est Henri Pouret, qui d’emblée m’a confirmé la disponibilité et le soutien de France Galop. Ils attendent aussi de nous un vrai projet et des propositions. Pour créer un programme, il faut savoir identifier quel est le profil d’un gentleman ou d’une cavalière aujourd’hui. Il faut aussi savoir identifier les courses qui vont drainer un maximum de partants dans de belles épreuves et qui vont être capables de générer l’attrait et les enjeux nécessaires.
La monte en course a-t-elle encore autant d’attrait ?
Ce que je peux vous dire c’est que nous avons de plus en plus de candidatures. C’est vrai qu’aujourd’hui l’amateurisme, ce n’est pas un seul circuit. Il y a beaucoup d’éléments satellites au club. Tout le monde connaît les courses des grandes écoles et les vocations qu’elles suscitent. Il y a aussi tout le milieu hippique, les courses de poneys… À nous de canaliser et de trouver les bons éléments pour que cela entre dans l’état d’esprit du club. Ce qui est sûr, c’est que l’attrait sportif des courses est toujours aussi fort et que nous avons une vraie carte à jouer.
On a vu ces dernières années quelques top gentlemen ou cavalières basculer dans le rang des pros. L’amateurisme peut-il devenir une Afasec bis ?
C’est un vrai enjeu. Je pense que c’est à nous de redessiner les contours de l’identité de ces cavaliers. Depuis un siècle, nous avons réussi à maintenir ce statut amateur, à la fois très exigeant techniquement mais aussi respectueux des valeurs de sportivité, d’élégance et de désintéressement qui caractérisent nos cavaliers français. Il existe d’autres modèles comme en Angleterre ou en Irlande, où le statut d’amateur est à la périphérie du statut de jockey professionnel. Cela n’est pas notre objectif de nous diriger dans cette voie. Il nous reste à définir comment recadrer les conditions d’intégration du club, voire d’imaginer une deuxième voie pour, pourquoi pas, isoler ces cas dont vous parlez.
Demain, un amateur doit pouvoir monter en course uniquement pour son plaisir et pour le goût du sport. Jamais cela ne doit croiser des intérêts financiers. Nous devons apporter à France Galop notre définition de l’amateur de demain. L’arrivée de Cécile Madamet dans le bureau du club peut aussi nous aider à identifier dans quel cadre un enfant qui monte en course de poneys peut avoir le choix entre un circuit professionnalisant ou amateur. Cela fait partie des sujets à exploiter.
Vous-même, vous pouvez revendiquer une solide expérience en courses…
J’ai monté moins de 200 courses mais j’ai eu la chance de vivre des années fantastiques en tant que gentleman. En particulier en 2008, où j’ai été à la fois Cravache d’or en obstacle et champion du monde en plat lors du championnat du monde Fegentri.
Le club, à travers des personnes comme Jean Coustères ou Henry de Montesquieu, a su me mettre en avant à ce moment-là et c’est aussi la force de notre organisation.
Ma victoire à Auteuil dans le Prix d’Albuquerque pour l’écurie Leenders reste sûrement le souvenir le plus marquant de ces années mais aussi les victoires à l’étranger (à New York, en Norvège, en Suède…) et tous les parcours de cross sur lesquels je me suis régalé.
Au-delà des courses, l’expérience amateur, c’est aussi le matin et des années d’entraînement chez Jean-Paul Gallorini au rond Adam et sur les pistes de Penthièvre, qui ont aussi alimenté ces souvenirs indélébiles.
Pensez-vous que cette expérience a compté dans votre vie professionnelle ?
Ce sport exige une rigueur à la fois d’organisation mais aussi de connaissance de soi. Je pense que, dans son quotidien, dans sa vie professionnelle, savoir identifier ses forces et ses faiblesses est un élément essentiel.
Monter en course en parallèle d’un parcours étudiant ou d’une vie professionnelle représente un rythme exigeant et il faut trouver les limites de l’exercice de sa passion. J’ai commencé à monter en point-to-point en Angleterre alors que j’étais étudiant à Bristol. Je passais plus de temps à cheval que sur les bancs de l’université et j’ai dû valider mon diplôme sur la session de rattrapage une fois que la saison de courses était terminée…
J’ai aussi beaucoup voyagé avec la Fegentri. Représenter son pays dans un contexte international, cela m’a ouvert des portes dans mon parcours professionnel. C’était aussi beaucoup de rencontres et d’expériences qui ont été essentielles. J’ai d’ailleurs souvent partagé mes expériences en courses dans le cadre de mon travail. Souvent, ma société communiquait en interne sur les différents résultats. Je pense que les entreprises aiment avoir des passionnés dans leur organisation.
Quel emploi occupez-vous actuellement ?
Je travaille dans une société de conseil, GfK, qui accompagne les entreprises dans leur stratégie marketing et commerciale avec un certain nombre d’outils analytiques d’études de marché. J’essaierai sûrement de me servir de ces outils pour le club.
GfK m’a envoyé en expatriation pendant huit ans. J’étais d’abord en poste à Casablanca, au Maroc, où j’étais chargé des marchés africains, puis six ans à Dubaï, où je couvrais tout le Moyen-Orient. Je suis rentré en France depuis trois ans et mes responsabilités se concentrent désormais autour d’un portefeuille de clients internationaux, en particulier dans l’univers digital.
D’où vous vient cette passion pour les courses ?
J’ai eu la chance de naître au haras du Pin. Quand on naît dans des endroits pareils, on ne peut qu’attraper le virus ! Quand j’étais plus jeune, nous allions monter à poney avec mes frères sur les parcours de cross de l’hippodrome du Pin, et nous sortions en promenade des gagnants de Gr1, comme Épervier Bleu ou Freedom Cry. Ce sont quand même des expériences marquantes ! À travers ses responsabilités d’officier des haras, à Lamballe comme au Pin, mon père a réussi à nous faire vivre sa passion des chevaux et à nous la transmettre. Mon frère aîné Gabriel a goûté à la passion du complet lors de son passage au Prytanée de La Flèche et mon frère Jean-Étienne était entraîneur assistant chez Arthur Moore avant qu’il nous quitte, il y a quinze ans.
Votre père, désormais à la retraite, est maintenant éleveur…
C’est assez amusant de voir la transition de l’activité de mon père, passé d’une responsabilité de juge et de sélection à travers son rôle dans les achats d’étalons notamment, à la mise en pratique de cette expérience à travers son propre élevage.
Mon grand-père lui avait transmis la poursuite de l’élevage familial à travers une jument qui s’appelait Ivanessa et qui a marqué sa génération dans les cross des années 1970.
Le premier poulain qui est sorti du lot, c’est Bachasson, que Willie Mullins continue à faire briller à l’âge de 10ans, multiple gagnant de Groupe en haies et en steeple.
Est arrivée ensuite Veltava, issue de la sœur de Bachasson.
Et maintenant, un proche parent de Bachasson, Hachasson, vous fait rêver…
Quand Bachasson est parti en Irlande, nous avons cherché à reproduire un croisement similaire. Le père de Bachasson est Voix du Nord et, à sa mort, Chœur du Nord était le seul mâle de son père à faire la monte. Nous l’avons donc croisé avec Veltava, issue de la même souche maternelle que Bachasson et qui nous a elle-même apporté beaucoup de joies en course. Cela nous a donné Hachasson, qui semble aussi bon que son oncle ! Je vais d’ailleurs le monter régulièrement chez Fabrice Foucher. Il nous a impressionné en gagnant très facilement lors de ses débuts au Lion-d’Angers et Fabrice lui accorde un petit break avant d’attaquer Auteuil cet automne. L’histoire continue…
Jouez-vous un rôle dans l’élevage paternel ?
Je conseille mon père quand je peux. Mais c’est lui l’expert. J’essaye d’apporter ma contribution « marketing et commerciale » à cet élevage auquel tous mes frères et sœurs sont attachés et contribuent à leur manière (y compris mon beau-frère Gérard de Tarragon, qui nous fait bénéficier de ses qualités de metteur au point à travers son entité de Maulepaire).
En parallèle, je suis impliqué dans une écurie de groupe, La Flèche Racing, pilotée par Mathieu Brasme, ancien gentleman, et dont les chevaux sont choisis par Sébastien Desmontils, un autre ancien gentleman. Cela fait sens ! Je vis ma passion à cent pour cent. On vient d’ailleurs de gagner notre première Listed avec Nationalista, qui est une très bonne pouliche.
Avez-vous envie de prendre vos couleurs ?
Cela viendra peut-être. On goûte déjà à la passion de l’élevage familial à travers la casaque de mon père, qui représente toute notre famille. J’aime aussi l’esprit de convivialité à travers les écuries de groupe. La Flèche Racing est une écurie assez variée sur les profils. Il y a des gens qui connaissent bien et d’autres moins. Nous sommes une vingtaine d’associés. C’est l’occasion d’être impliqué d’une manière différente dans les courses. J’ai pu y découvrir de nombreux aspects que je connaissais moins en tant que cavalier comme la politique d’engagement, la notion des handicaps, l’investissement… C’est une très bonne expérience et c’est aussi vers ça qu’on veut amener les membres de notre club ! Au boulot donc…