Traditionnellement, en ouverture du Dîner de Gala qui suit l’Assemblée Générale du Club dans les murs du Jockey-Club à Paris, le Président s’adresse à l’assemblée. En ces mots choisis de Gérard de Chevigny, nourris de vifs applaudissements à l’évocation des personnalités citées :
Chers amis,
Je vais vous demander quelques minutes d’attention, encore à attendre devant les élastiques, pour mon traditionnel mot de bienvenue.
Nous sommes donc au Jockey-Club. Haut lieu d’histoire et de prestige.
Je ne sais pas s’il est utile de vous rappeler ce qu’est le Jockey-Club.
Je me plais néanmoins à rappeler que le Jockey-Club a émané en 1833 d’une douzaine de Gentlemen, qui ont créé la Société d’Encouragement, ancêtre de France Galop, à laquelle on doit tout des courses au galop en France.
Ces douze Gentlemen, membres fondateurs de l’Institution des courses, étaient des amateurs éclairés. Dans leur Manifeste fondateur, ils se disaient (ouvrez les guillemets) frappés par la décadence de plus en plus croissante des races chevalines en France (fermez les guillemets).
On avait en effet 200 ans de retard sur l’Angleterre, en matière de courses et d’élevage.
Sautons neuf décennies. On se retrouve en 1922. Et là, ce sont dix-neuf Gentlemen qui se sont réunis, pour fonder le Club des Gentlemen-Riders.
Eux, n’ont pas fait état de décadence de quadrupèdes. Ils se sont souciés de la conservation d’une race menacée de bipèdes distingués - les amateurs -, espèce à maintenir coûte que coûte au sein d’un turf qui s’était de plus en plus professionnalisé.
Aujourd’hui, à cinq ans de son centenaire, le Club nous réunit donc ce soir au Jockey-Club, pour la grande fête de l’amateurisme au galop. Belle continuité. Ce soir, nous sommes ici plus de cent, reconnaissants du legs des douze Gentlemen de 1833 et des dix-neuf de 1922.
Je suis honoré de la qualité exceptionnelle de l’assistance, avec une remarquable proportion de juniors - notamment tous nos jeunes talents de l’Ouest en rangs serrés autour de leurs co-Cravaches d’Or d’obstacle Thomas Guineheux et Pierre Dubourg - par rapport aux seniors. C’est d’ailleurs le reflet de la jeunesse de notre Club, où plus du tiers de nos effectifs ont moins de trente ans.
Je ne sais pas s’il y a un paradis pour chevaux, et s’ils nous contemplent de là-haut.
Que constateraient-ils ? – Que, dans notre assemblée, ils ont amené un très grand nombre d’entre nous à des sommets inespérés. Car il est vrai - nous le savons tous -, qu’un cheval peut vous amener, loin, très loin, au sens propre comme au sens figuré, parfois même trop loin.
Mais il semblerait que le cheval puisse amener les amateurs encore plus loin que les autres. Jugeons-en par exemple en consultant les palmarès d’entraîneurs de la saison passée : les quatre premiers en plat, Jean-Claude Rouget, André Fabre, Alex Pantall et Alain de Royer-Dupré ont tous quatre revêtu la casaque comme Gentlemen ; idem pour les trois premiers en obstacle, Guillaume Macaire, ici présent, François Nicolle et Guy Chérel.
Que verront-ils donc de là-haut, nos chers chevaux, à l’instant où je vous parle ? Une extraordinaire concentration de champions, une accumulation sidérante de détenteurs de records, une addition record de Cravaches d'or, sous les lambris historiques du Jockey-Club.
Ils reconnaitront d’abord Yves Saint-Martin, titulaire de quinze Cravaches d’Or, véritable légende vivante, toujours le premier à venir à nous pour nos célébrations. Ils identifieront notre recordman Florent Guy, qui aura repoussé son extraordinaire record à douze Cravaches d’Or ; l’emblématique pionnière de l’équitation de course au féminin Micheline Leurson, douze Cravaches d’Or ; Pascal Adda, neuf Cravache d’Or, recordman au nombre de victoires en une seule année pour un Gentleman (53) ; Pierre-Charles Boudot, qui nous privilégie pour la première fois de sa présence avec son tout frais record européen de victoires, cap des 300 pulvérisé l’an passé ; Guillaume Macaire, accumulateur de records, qui a expérimenté en son temps l’adrénaline de la compétition chez les Gentlemen…
Que ce soit dit au passage : le Club est particulièrement honoré de la venue d’Yves Saint-Martin et de Pierre-Charles Boudot, qui ont tenu à réserver leur soirée pour nous, les amateurs. Les jockeys sont notre référence. Nous leur vouons un immense respect et une admiration sans borne. Leur support nous honore.
Et puis, de table en table, vous compterez des Eperons d’Or en quantité, autant de Champions du Monde chez nous les amateurs. Citons, chez les Messieurs, Robert Danloux, Pascal Adda et votre serviteur, mais aussi Maxime Denuault (qui vient par ailleurs d’intégrer le Comité du Club, bravo à lui) ; et chez les Dames, Micheline Leurson, Blanche de Granvilliers, Barbara Guenet, et la dernière en date, Lara Le Geay, qui a réussi un véritable exploit en arrachant son Eperon d’Or au terme d’une course poursuite jugée désespérée, mission impossible, mission néanmoins accomplie...
Le Club ne peut vivre sans partenaires, je serai même tenté de dire « complices ».
Tout d’abord, France Galop, représenté par son Vice-Président, M. Jean-Pierre Colombu, après que se soit excusé le Président Edouard de Rothschild, retenu par d’autres obligations.
Si la France produit tant de champions du monde chez les amateurs, c’est grâce aux programmes dont France Galop nous privilégie et qui nous est envié de tous les pays où l’amateurisme a une place – et même si nous avons dû nous résigner l’an dernier à la perte d’une vingtaine de courses, sur 260, résultant du programme national de réduction de courses PMH.
Ce n’est pas Manuela Tournier, Secrétaire Générale de la Fédération Internationale des Gentlemen-Riders et des Cavalières, qui me contredira. Elle fédère 25 pays, dont 24 sont jaloux de la France. Merci, Manuela, de votre présence, au nom de votre Présidente, Nathalie Bélinguier, désolée de n’avoir pu être des nôtres ce soir.
Parmi nos complices, je dois aussi citer - c’est une évidence - Arnaud Jacquinet. La Maison Moët, qu’il représente, est de toutes nos fêtes depuis des lustres, elle fête nos vainqueurs et console les vaincus sous des milliards de bulles.
Je salue aussi la présence de M. Armand Schuster de Ballwill, cavalier émérite, qui privilégie le Club de ses nectars bordelais, sous l’étiquette du Château Montlau.
Pour revenir à nos chevaux, qui méprisent le piètre principe de précaution et ont de la charité pour nous, ils doivent néanmoins se féliciter que leurs cavaliers prennent la précaution de s’assurer au mieux. Ils adresseront donc leur vive reconnaissance à Mme Nathalie Robert, qui représente le groupe d’assurance Gras-Savoye, et fait bénéficier le Club de services sur mesure.
De leurs paradis, à nous contempler de la haut, nos chevaux savent qu’il faut quand même trouver moyen de flatter leurs cavaliers, jockeys comme amateurs, ces bipèdes qu’ils transportent bon gré mal gré du départ à l’arrivée et qui voudraient volontiers leur voler la vedette. Alors, pour mettre en valeur le mariage forcé cheval-cavalier, il y a les médias. Merci à eux, merci particulièrement à Jérôme Lenfant, qui représente Equidia, à Francis Fougeray, qui représente Paris-Turf, et aussi à Mayeul Caire, pour Jours de Galop.
Nous allons honorer tout à l’heure nos champions de l’année 2016.
Un journaliste avait écrit dans les Années 50 qu’il aurait fallu handicaper les Gentlemen sur une échelle de 20 livres pour égaliser les chances.
L’époque est toujours nivellatrice, surtout aux heures des promesses électorales.
Alors, il faut prévenir Florent Guy : il s’expose bientôt à être taxé d’une surcharge, au motif d’avoir monopolisé douze Cravaches d’Or. Deux, quatre, huit livres ? Ses chevaux apprécieront…
Il me semble que simultanément, les mêmes chevaux vont se retourner (encore plus) vers les Cavalières, car ils auront quatre livres de moins à porter, dès lors qu’ils seront montés par une dame ou une demoiselle, en contexte de course mixte.
Belle aubaine, pour nos cavalières, à la poursuite de records, notamment ceux de Barbara Guenet, inaltérable tête de liste - sixième Cravache d’Or pour elle -, à laquelle la saison 2016 a de surcroît permis de franchir le cap des 100 victoires.
De toute façon, nos chevaux se réjouissent sans doute unanimement d’être montés par des amateurs. Et pourquoi ? – Parce que l’idée leur est insupportable, que quiconque se fasse de l’argent sur leur dos !
Je crois d’ailleurs que le Manifeste fondateur du Club a été écrit par des chevaux. Il exige de nos membres - je cite - « de créer et de maintenir entre Gentlemen ayant monté en courses, de durables liens de courtoisie et de camaraderie sportive, et de perpétuer les traditions de parfaite correction et d’impeccable moralité, indispensables à l’institution des courses ».
Oui, le Club prétend à ce que l’amateurisme soit indispensable à l’institution des courses, comme l’établit ce texte fondateur. Le Club est là, gardien de ces valeurs de sport, d’audace, d’élégance et de désintéressement, nos fondamentaux, qui sont les plus aptes à contrer les clichés qui dénaturent les courses.
Oui, le Club est un investissement mineur pour un résultat majeur, nous le répétons à France Galop.
L’aide financière qui nous provient de France Galop, en appoint de notre autofinancement, aura baissé cette année, et nous nous en accommodons, conscients de devoir participer à l’effort que toutes les composantes du galop doivent produire, face aux problèmes financiers de l’institution.
Pour autant, cette aide équivaut à peine à 1% des budgets qui sont affectés au développement des nouvelles vocations d’acteurs et de spectateurs.
Nos quelque 400 membres sont acquis à vie à la cause des courses, comme tous les nouveaux qui nous rejoignent, dès la minute où leur a été donnée la possibilité de monter une course, et même si leur carrière s’arrête là. Le monde du galop y puise ses plus fidèles soutiens, sous les formes les plus diverses, qu’ils soient fortunés ou pas. C’est un très fécond et précieux vivier fondé sur un même «capital-passion», un même virus : vivier de propriétaires, d’éleveurs, d’entraîneurs (j’en ai déjà parlé), de commissaires, de membres de sociétés de courses, de bénévoles d’hippodromes, et, unanimement, de porteurs de bonne parole. Un investissement mineur pour un retour majeur.
Il me faut conclure, avant de vous remercier tous, pour votre contribution à la plus sportive image des courses.
Tous les jours, ces temps-ci, devant nos écrans de télévision, les tribuns défilent et concluent tous de la même façon, en clamant : « vive Moi, vive la République ! »
Moi, pour conclure, je vais encore m’en remettre aux chevaux, qui nous diront en chœur : « Vive nous, vive le Club ! »